Au grand désarroi de mes parents, je n’ai jamais rêvé de devenir propriétaire. Moi, quand j’étais petite, je rêvais d’avoir un poney, de faire le tour du monde en bateau ou d’aller sur la Lune. Mais me saigner tous les mois pour rembourser un crédit immobilier et utiliser mes maigres économies chaque année pour remplacer une chaudière, refaire du crépi ou remplacer les tuiles de mon toit au lieu de partir en vacances : NO WAY.
Et puis, une petite perruche s’est nichée en moi et j’ai commencé à voir la vie autrement. Ce n’était pas tant le fait de posséder une maison qui me faisait kiffer, mais plutôt l’idée d’avoir un foyer, à nous. Qu’on construirait petit à petit, avec nos souvenirs, avec notre amour, avec nos fous rires. C’était cette image, qui me faisait envie.
L’image de notre petite famille qui construit brique par brique la maison du bonheur.
L’image d’un bébé citronnier qu’on plante en 2020 dans le jardin et qui sera en 2030 un citronnier adulte.
L’image d’un fauteuil de jardin dans lequel je raconterai des histoires à Basile à 2 ans et dans lequel il révisera ses poèmes appris à l’école à 9 ans.
L’image d’une grande table de jardin autour de laquelle tous nos proches trouveront leur place, avec, au fil des saisons, des nouvelles petites têtes dans le paysage.
L’image d’une maison où chaque recoin abrite des histoires, des instants, des secondes précieuses.
C’est pour ça, qu’en 2020, j’ai dit « OK, on s’endette pour 25 ans, les gars ».
Alors avec Patrick, on s’est lancés dans ce projet en janvier, sans imaginer une seule seconde qu’entre temps, il faudrait contourner des obstacles improbables (comme par exemple, au hasard, une pandémie).
Depuis des mois, je meurs d’envie de vous raconter tout ça et de vous embarquer dans cette aventure, qui est bien loin d’être finie, puisque qu’avec Patrick, nous allons enfiler nos casques de chantier, tout casser, et tout reconstruire ! Un peu comme on a fait il y a trois ans quand on est tombés amoureux…
2019: on erre dans la jungle immobilière
Il faut savoir un truc sur Patrick, c’est que le gars, tu ne peux pas lui mettre à l’envers : il connaît en temps réel chaque parcelle de terre qui est mise en vente dans notre village. Patrick, en immobilier, il te met la trique. Depuis un moment, on avait commencé à visiter des maisons et des terrains.
Construire, rénover ou trouver une maison parfaite : on était incapables de se décider, alors on était un peu sur tous les fronts.
Visiter des terrains, autant vous dire que bon…j’ai jamais compris le délire. Genre visiter de l’herbe. Alors là-bas au fond, tu verras, l’herbe elle est un peu plus verte, puis là, devant, y a un peu moins d’herbe. Je ne suis pas douée en visite de terrain, je n’arrive pas à me projeter. La seule fois où j’ai été enjouée lorsqu’on a visité un terrain, c’est lorsqu’il y avait un beau cerisier. Et puis Patrick m’a dit qu’il était en plein milieu du terrain et donc que forcément, ça posait problème pour construire une maison.
Moi je suis une romantique, et lui, c’est un pragmatique.
Pour visiter les maisons, je ne suis pas mieux, à vrai dire. Je comprends rien au game, je sais pas faire. Il faut faire semblant que tout est nul dedans, pour faire baisser le prix. Mais à la fois, il faut quand même avoir l’air sympa, pour que les gens aient envie d’accepter ton offre, si jamais. J’arrive pas à doser entre les deux, moi. À chaque fois qu’on visite une pièce, il faut faire un petit sourire de complaisance qui masque totalement ce que tu ressens. Et puis, surtout, il faut se torcher la visite jusqu’au bout, même quand tu sais à la première seconde que ça ne va pas le faire. Pourquoi on se fait tous du mal comme ça ? Moi je serai partisane du « écoutez j’ai envie de me pendre quand je passe le pas de la porte, merci, aurevoir ». Alors que Patrick, il joue le jeu jusqu’au bout. Il va même aller visiter la cave, les combles non aménagés, la grange à outils dans le jardin et se présenter aux voisins. Et puis, quand c’est le moment de poser des questions, il a tout le temps plein de choses à demander, du style : « alors sinon au niveau du système de filtration et du PH de l’eau de l’étang, vous pouvez m’en dire plus ? ». Moi les seules idées qui me viennent en tête, c’est des questions du genre « est-ce que votre couleur de cheveux est naturelle ? ».
Bref, si je vous raconte tout ça, c’est surtout pour vous dire que si on a réussi à trouver la maison de nos rêves, c’est sûrement parce qu’on ne l’a pas visitée ensemble la première fois !
Janvier 2020 : Patrick a un coup de cœur, je bronze à Zanzibar
Si vous me suivez sur les réseaux (ou bien si vous êtes un psychopathe et que vous me suivez quand je sors de chez moi), vous le savez, fin janvier, je suis partie à Zanzibar. Autant vous dire que j’étais pas trop dans le mood Stéphane Plaza. J’étais dans le mood cocotiers & cocktails. Un soir, alors que mon visage rouge et gras accusait son premier gros coup de soleil (=sa première brûlure au troisième degré) de l’année 2020, Patrick m’a envoyé à peu près trois milliards de photos d’une maison. Accompagnées d’à peu près trois milliards de messages. À six mille kilomètres, en paréo, face à la mer, j’ouvre mon téléphone et je vois des photos floues et sombres d’une maison, avec des envolées lyriques de Patrick déjà prêt à faire une offre limite avant même de m’avoir appelée.
Alors que d’habitude, Patrick, quand il va chez Auchan et qu’il y a plus ma marque de yaourts, il m’appelle pour savoir ce que je veux à la place parce qu’il ne veut pas prendre la décision. Mais là, il était prêt à acheter une maison. Bon. Patrick, il veut acheter une maison, moi, je voulais juste finir mon cocktail et danser la Macarena. Patrick a fait une offre en précisant qu’elle serait valable seulement après contre-visite avec sa femme (KESKIYAAAA C KI KI DECIDE ICI ???). C’est bien, déjà, ça te fout pas la pression quand t’es en vacances. Y a des gens qui t’accueillent avec un bouquet de fleurs quand tu rentres, bah Patrick, il m’accueille avec une baraque et un futur crédit sur 25 ans. Waoh. Même avec un gosse, t’en prends pour moins (CA VA JDEC) (les enfants c’est pour toute la vie, ui ui ui).
Patrick m’avait engueulée à la dernière visite parce que j’étais trop enthousiaste. Bon, j’avoue, j’avais dit « oh ce n’est pas grave si y a juste les deux salles de bains à refaire, c’est pas grand-chose ». Apparemment, pas grand-chose, c’était quand même 15 000 balles. Ca va, on peut tous faire des erreurs de jugement non ? Du coup, là, je me suis dit que j’allais faire la meuf blasée. Mon rôle préféré. De toute façon, j’étais blasée, je venais de passer de 40°C à -10°C. J’ai visité sans rien dire et puis à la fin, quand le propriétaire m’a dit « Alors vous en pensez quoi ? », j’ai été prise d’un vent de panique. QUOI QUOI JE DOIS DIRE CE QUE JE PENSE POUR DE VRAI OU POUR DE FAUX ?
Ce que je pensais, c’était que cette maison avait exactement le potentiel qu’on recherchait. Mais un potentiel, ça veut tout et rien dire. Le potentiel tu le révèles pas de la même façon quand t’as une enveloppe travaux de 10 000€ que quand t’as un budget de 500 000€, quoi. Pour le reste, il y avait (presque) tout ce qu’on aimait.
De la vieille pierre. Des dépendances. Des poutres en bois. Une grande cour. Un petit jardin. Un grand tableau noir à l’entrée. Un petit banc en bois sous une fenêtre. Des auges en pierre avec des jolies fleurs. Un grand portail en bois. Pas de vis-à-vis.
Mille et un recoins pour jouer à cache à cache. Mille et un recoins pour boire un verre dehors l’été. Mille et un recoins pour se blottir au chaud l’hiver.
Mille et un recoins pour s’aimer, pour se déchirer, pour se réconcilier, pour jouer à chat perché, pour manger des petits pots, pour marcher à 4 pattes, à 3 pattes, à 2 pattes, à cloche-pied.
Mille et un recoins pour vivre mille et un moments magiques. Alors voilà, on avait mille et une raisons d’acheter cette maison.
Et le plus gros potentiel, dans cette aventure, finalement, c’est juste le potentiel de notre amour. Est-ce qu’on ne mise pas plutôt sur ça, en fait, que sur le prix de revente de la baraque ?
Mars 2020 : on signe un compromis en visio
C’est marrant parce que quand je me replonge dans ces souvenirs, je me dis que la Clarisse et le Patrick de février 2020 étaient à dix milliards de kilomètres de penser que moins d’un mois plus tard, ils devraient signer leur compromis à distance à cause d’une pandémie. WTF ?! On devait signer le compromis le lundi soir, on a eu l’info le lundi matin que l’office notarial fermait suite à l’annonce du gouvernement. Au moins, ça nous a permis de faire un visio totalement improbable avec notre fils sur les genoux. On peut vraiment dire que cette maison, on l’a achetée tous les trois…
Le monde part en sucette, Macron parle de guerre, le mec qui retranscrit ses paroles à la TV a l’air de faire un AVC, les supermarchés sont dévalisés, il y a plus de PQ. Voilà, il se passe tout ça, et nous, pendant que les scientifiques de tout l’univers cherchent un vaccin, nous, on cherche un crédit.
Deux salles, deux ambiances.
Figurez-vous les gars, que trouver un crédit, quand t’es auto-entrepreneur et que t’es en pleine épidémie, bah c’est plus dur que de trouver un vaccin !
Printemps 2020 : c’est long d’attendre…
Avec le COVID (oui j’arrive pas à dire LA covid, sorry, j’ai l’impression d’être Rabbi Jacob sinon…) et tout le merdier les échéances ont été repoussées, ça nous a laissé un peu plus de temps pour nous organiser. Voilà, pendant trois mois, pendant mars, avril et mai, personne pouvait voyager mais nous on a bien voyagé. On a voyagé à bord de dix mille ascenseurs émotifs. Je rentre pas dans le détail parce que je pense que je vous ferai un autre article un peu en mode « Guide pratique » pour vous donner des tips pour obtenir un crédit immobilier quand vous avez un statut professionnel de merde (donc si vous êtes un clown, un graphiste ou un joueur de percussions à votre compte, en gros) (moi je suis un clown, perso). Bref, cet article est tout pourri, il n’y a même pas de suspens. Vous vous doutez bien que si j’écris ça aujourd’hui, c’est l’a obtenu ce crédit.
Juin 2020 : youpi on a le crédit !
Trois mois plus tard, les gars, on y croyait plus, mais il s’est passé deux choses folles.
1/ On a pu retourner manger dans des restaurants, avec un masque. On se posait un peu tous cette question débile au début « mais euh on doit manger avec le masque aussi ? » BAH OUI PUIS TU LE BOUFFES AVEC, TIENS !
2/ On a reçu une réponse positive, à un taux pas trop dégueulasse.
J’étais en mode « Euh vous êtes sûre madame ? Vous avez bien regardé le dossier ? Parce que nos banques ont refusé alors faites attention hein qu’on parle bien de la même chose ».
C’était assez bizarre en fait parce qu’avant de faire notre demande de financement, je n’avais jamais douté de notre capacité à obtenir un crédit. Puis dès qu’on a essuyé le premier refus, de ma banque, je me suis pris une claque. Je me suis dit que c’était foutu mais en vrai je n’étais pas inquiète non plus. Je n’étais pas inquiète parce que le monde entier autour de nous était en train de devenir très bizarre donc au final, l’issue de cette histoire n’avait pas tant d’importance. Oui, je dédramatise tout dans la vie en replaçant les choses à l’échelle planétaire. Je vous jure, c’est très pratique.
Du coup, dans mon existence, c’est très simple. Les seules choses graves, c’est quand ça touche à la santé (pas forcément la mienne hein, surtout celles de mes proches). Ah oui, et aussi quand je vais chez Intermarché et qu’il y a plus de coca zéro. Ça aussi, c’est grave. Le reste, BALLEC.
Juillet 2020 : tic tac tic tac tic tac
Les barbecues s’enchaînent, mon tableau Pinterest « Maison BABA » part en couilles, les recherches Google du type « DIY banquette chaux terrasse » s’accumulent : pas de doute, on a la tête en plein dans notre projet. Patrick passe du tout au tout.
Un jour, c’est « on laisse tomber le projet on met la maison en location et on vit dans une caravane ».
Le lendemain c’est « on installe une plage privée dans le jardin, on fait un duplex dans la dépendance, on fait construire une piste de karting dans la cour ».
Ce n’est pas facile à suivre, vraiment. Moi je me concentre sur mes inspirations Pinterest et je pose des questions aux artisans sans connaître les termes techniques. « Vous savez le truc là qui est utilisé pour les salles de bains genre comme en Grèce ? Genre ça fait un peu un effet comme si y’avait des gros grains et la douche et la vasque sont tout en continu dans le même matériau comme dans les grottes troglodytes ? ».
D’inspiration en inspiration je réalise au fur et à mesure que tout ce que j’aime et que tout ce qu’il y a sur Pinterest, ba ça coute une blinde. Du coup j’ai envie de créer un réseau social d’inspirations mais pour les pauvres. À l’heure où je vous écris ces mots, j’ai aucune idée de ce à quoi va ressembler notre maison finale. Mais ça me ferait plaisir si un jour des gens épinglent sur Pinterest des photos de chez nous dans leur propre tableau d’inspi.
Août 2020 : on est propriétaires !
Bon, sur cette fin d’article, j’ai fait un peu un avance rapide parce qu’au final je me rends compte qu’il s’est écoulé 7 mois entre le moment où Patrick m’a parlé de cette maison et le moment où on va enfin signer définitivement et recevoir les clés. THE KEEEEEEEYS.
Alors voilà, à notre retour de vacances, alors que j’avais la face avant de mes jambes bronzées et la face arrière blanche (oui, je tiens à me souvenir de ce détail affreux), nous avons signé pour notre maison chez Monsieur le notaire. Enfin, pardon, on dit pas Monsieur. On dit Maître. Ça me fait toujours bizarre de dire Maître à quelqu’un, la dernière fois que ça m’est arrivé c’était en CM1. Du coup, j’ai l’impression que je dois être sage sinon je vais me faire gronder, c’est perturbant. Et à la fois, y a un petit côté Christian Grey (enfin, plus Christian Clavier, là, en l’occurence).
Nous avons signé avec un masque, la clim’ était très forte, j’avais froid. C’était long. Le type a parlé de servitudes et de droits de passage pendant dix ans. C’était long, et c’était chiant. Moi pendant ce temps j’essayais de repérer les maisons de nos copains sur le cadastre, c’était quand même plus marrant. En vrai, j’ai eu le temps de penser à plein de choses et de me poser mille questions. Tout ça c’était un peu nouveau pour moi, on signe pas une maison tous les jours. C’est notre première. Alors tout le déroulement, toutes les étapes, c’est de l’inédit. Tu sais pas trop si t’es bloquée dans cette pièce avec la clim trop forte pour les trois prochaines semaines ou si on va te relâcher un jour. Tu sais pas trop si le notaire va pas décider à tout moment de te lire le code civil en latin. Et puis surtout, tu comprends vraiment mieux le film Les Trois Frères. Et tu ris intérieurement. T’imagines le notaire avec un slip sur la tête. En plus de son masque. T’essaies de l’imaginer en soirée. Tu te demandes si il sait dire des phrases normales du genre “Salut ça va ?” ou si toutes ses phares contiennent des mots comme préemption, plan cadastral et débours. Et puis à un moment, ça y’est, c’est le moment de signer. C’est fou comme un gribouillis peut engager 25 ans de ta vie. On est propriétaires, les gars !
Enfin non, comme l’a dit mon père “Vous serez propriétaires quand vous aurez fini de payer“. Il perd jamais le nord lui…
2020 / 2021 : on a du taf, les gars !
Je sais pas trop de quoi demain sera fait mais en tout cas, il sera fait de dalle en béton, d’isolation, de chaux (la meuf tient à ses inspirations grecques hein), de fils électriques, de sous-couches de peinture, d’enduit, de sol chauffant et de tout le champ lexical de la rénovation. C’est une aventure exaltante et flippante à la fois et j’ai envie de partager tout ça de A à Z sur mon blog et sur Instagram.
J’ai envie de jouer aux Sims, mais en vrai.
J’ai envie que l’été prochain, on puisse trinquer dans notre maison terminée (OUI JE SAIS UNE MAISON N’EST JAMAIS TERMINÉE) et qu’en regardant les photos Avant / Après, on se dise “ON L’A FAIT LES GARS !!!!”.
J’ai envie aussi de manger de la raclette, mais ça, ça n’a rien à voir.
À très bientôt pour que je vous dévoile des photos de la maison et le détail de notre projet, youpi