Grossesse Parentalité

MON ACCOUCHEMENT SANS TABOU

Hola les gaaaars,

J’écris les premiers mots de cet article, avec deux types qui dorment à côté de moi. Dont un qui ronfle, je vous laisse deviner lequel.

Je ne sais pas combien de temps me prendra la rédaction. Je commence ces premières lignes jeudi soir, le 24 Octobre, le premier soir de notre nouvelle vie à la maison. J’ai besoin de l’écrire maintenant, cet article, un peu comme une thérapie, pour tourner la page sur ma grossesse et mon accouchement, et commencer à vivre ma nouvelle vie. Les mots que j’ai à sortir sont un peu confus, souvent trop forts, souvent pas assez forts, je ne sais pas. Je ne pensais pas que ces derniers jours me bouleverseraient à ce point et que j’aurais tant ce besoin de sortir tout ce que j’ai à l’intérieur. Dès les premiers mots, dès les premières lignes, les larmes me montent et revenir sur ces derniers jours, c’est autant de joie que de tristesse. HASHTAG BABY BLUES. Déjà là, quand t’as lu ces quelques lignes, tu te dis « Merde ça va pas être drôle cet article ». Mais si les gars, ça va être drôle, on va parler de placenta, d’hémorroïdes et de ventre flasque, PROMIS CA VA ETRE DRÔLE. Avant de vous parler d’aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’hier, d’avant-hier, et surtout, du jour encore avant et avant : celui de mon accouchement.

Des récits d’accouchement, j’en ai beaucoup entendus. Je vous avoue qu’avant d’être moi-même enceinte, j’écoutais généralement un mot sur deux. Le sujet me passait largement au-dessus et les histoires que j’entendais ne concernaient pas mon entourage proche, alors clairement, ça ne m’intéressait pas plus que ça. Au cours de ma vie, j’ai entendu des dizaines, voire des centaines de fois des phrases du genre « Mon accouchement était magique » ou « Mon accouchement c’était clairement le plus beau jour de ma vie ». J’avais du mal à conceptualiser qu’une journée d’atrocités et d’utérus déformé puisse être si magique. Je comprenais bien sûr que le moment de la rencontre soit magique, mais pas le reste. 

Aujourd’hui, j’ai envie d’utiliser ces mêmes phrases bateaux, clichés. J’ai vécu un accouchement magique, merveilleux. Avec de la douleur, oui, mais jamais de la souffrance. Avec des pleurs, oui, mais surtout du bonheur. Cette nuit était tellement suspendue hors du temps, tellement magnifique, qu’aujourd’hui, j’ai mal quand j’y repense. Un peu comme quand tu repenses à une histoire d’amour qui vient de se terminer. C’est difficile de mettre des mots là-dessus. Comment trouver les bons ? Comment trouver la justesse dans mon récit ? Mettre les bons mots sur les bonnes émotions. Ne pas exagérer, dans un sens comme dans l’autre. Restituer tout simplement les choses comme elles sont dans ma tête, dans mon cœur. C’est un peu comme si toute ma grossesse, c’était la grande montée d’une montagne russe. Et puis le petit wagon arrive en haut. Quelques instants de sérénité et de plénitude, avant la descente vertigineuse, rapide, brutale, soudaine, incontrôlable. L’accouchement. Une décharge d’adrénaline. Un mélange d’émotions. La peur, l’excitation, l’appréhension, la joie, l’amour, toujours l’amour, toujours aussi fort, encore plus fort. Il est là. Celui que tu as attendu pendant 13 heures cette nuit, pendant neuf mois cette année, pendant toute ta vie, en fait. Et c’est un peu comme arriver tout en bas de la descente du grand 8. Tu as vécu les instants les plus intenses de toute ta vie, mais maintenant, il faut descendre du wagon. Il faut sortir de l’attraction, il faut partir, le parc va fermer. OUI J’AIME LES METAPHORES AVEC LES PARCS D’ATTRACTION (tu sens la meuf qui rêve de retourner au Parc Astérix et qui attend avec impatience les 3 ans de son fils ?). C’est bête, j’ai commencé par la fin. Il y a tout le reste à raconter. Cet article va être long, les gars. Mais c’est le plus beau récit de ma vie que je m’apprête à vous livrer, sans filtres, sans tabou, avec les émotions brutes, les pensées authentiques et les mots comme ils viennent.

Une intuition depuis quelques jours…

 

J’avais le pressentiment que j’allais accoucher depuis quelques jours. Pourtant, le terme était prévu 19 jours plus tard. Le vendredi soir, j’ai fait l’aller-retour à Lyon pour voir mes amies. Dans ma tête, il fallait que j’y aille ce soir-là, une dernière fois avant d’être maman. Dans la nuit déjà, j’ai commencé à avoir mal. Le lendemain aussi, par vagues, toute la journée. Dès le réveil, je sentais que ça allait arriver, bientôt. Pour la première fois de ma vie, du coup, je n’ai pas repoussé ce que je devais faire au lendemain. J’avais l’intuition que le lendemain, je serai déjà bien prise. Alors le matin, je me suis mise en mode machine de guerre sur mon boulot, pour finir tous mes articles en cours que je devais envoyer à mes clients. J’ai bouclé la boîte de cadeaux de nouveau papa pour Patrick. Je lui ai écrit une lettre d’amour, mes derniers mots avant d’être maman, mes derniers mots que pour nous deux. Voilà, j’ai bouclé tout ce qui était en cours. J’ai monté le berceau, qui était encore dans son carton. Il fallait qu’il soit prêt aujourd’hui, c’est tout. J’ai envoyé Patrick me faire le plein de gâteaux, de bonbons, de trucs bien caloriques. Pour mon dernier jour de grossesse, je voulais m’exploser le bide et frôler la crise de foie, sans culpabiliser. C’EST LE BÉBÉ QUI A FAIM.

En route vers la maternité…

 

Les douleurs continuaient. J’étais incapable de savoir si c’était des contractions. C’était une douleur que je ne connaissais pas vraiment mais qui ressemblait assez à ce qu’on m’avait décrit. Sauf que je ne sentais pas du tout mon ventre se contracter. Vers 22h, les douleurs continuaient à venir par vagues, de manière plus rapprochée. Pendant que Patrick faisait à manger, je continuais à bosser jusqu’au bout. Il y avait dix minutes entre chaque contraction alors ça me laissait le temps d’avancer. Et puis surtout, ça me changeait les idées. On a même pris le temps de manger (grave erreur…). La douleur devenait compliquée. J’ai pris un bain. Je me suis allongée. J’ai respiré fort. La douleur devenait intense. Vers 1 heure du matin, j’ai senti qu’il fallait y aller. Je bouclais mes dernières affaires. Patrick, improbable, a sorti le fer à repasser, pour repasser une chemise. Il voulait être impeccable pour son fils. C’est pas la chose la plus mignonne du monde ? À 1h07, on est en route pour la maternité. « Au pire on fait l’aller-retour mais au moins on sera fixés », on s’est dits.

On a fait un aller sans retour. Je tremblais comme une feuille en arrivant. La douleur oui, mais surtout l’appréhension. J’étais prête sans être prête. Je pensais qu’on allait me renvoyer à la maison et que j’allais accoucher trois semaines plus tard. Et puis, tout s’est mis en marche très vite. On m’a examinée, mis le monitoring. « Vous êtes ouverte à deux, dès que vous êtes à trois, on pourra vous poser la péridurale, on va vous examiner de nouveau dans une heure ». Euh, MAIS, EUH, MAIS JE RESTE ICI ALORS ? GENRE LÀ JE VAIS ACCOUCHER DANS LA JOURNÉE EN FAIT ? Bah oui, la machine était lancée, ça y’est. Les contractions étaient douloureuses, pas forcément régulières, pas forcément toutes aussi intenses. Il y a des moments où je perdais pied. Tu sais, ce moment, où t’arrives en caisse et qu’il y a trop de monde dans la file et que t’as juste envie de planter ton caddie et de te barrer. Je voulais planter mon caddie, très clairement. 

Puis parfois, la contraction d’après était moins douloureuse. Je me disais que je pouvais gérer. Le temps passait vite, après tout. Une heure plus tard, j’étais à deux et demi. On nous a installés dans notre chambre. Entre temps, j’arrivais à m’en sortir. La sophrologie m’a beaucoup aidée. Je me répétais les phrases pendant les cours de préparation. J’arrivais à caler mon souffle et à accueillir chaque contraction sans devenir folle. La sage-femme qui s’occupait de moi était impressionnée et me félicitait de gérer aussi bien. Bah putain, moi j’ai l’impression de rien gérer du tout ! Elle le disait peut-être comme elle le dit à tout le monde, pour nous encourager, pour nous soutenir. Je ne sais pas, mais en tout cas, ça marchait plutôt bien. Dans la chambre, les douleurs devenaient complexes. Mais entre deux contractions, tout redevenait normal. Ce fossé entre les deux états est difficile à gérer, en fait. Un vrai ascenseur qui s’emballe. La contraction, elle arrive lentement. Tu la sens bien venir. Un peu comme quand tu es au milieu d’une voie de chemin de fer et que tu vois un train arriver à toute vitesse. Il n’est pas encore là mais tu sais qu’il va te passer dessus. Et ces quelques secondes suspendues hors du temps, elles sont remplies d’angoisse, et de stress  Mais j’ai décidé que c’était à moi d’avoir le dessus sur mon corps, sur mes sensations. Facile à dire hein vous me direz, je savais que dans moins d’une heure j’aurais une péridurale. Forcément, ça aide. À chaque contraction, je me disais à quel point les femmes qui accouchent sans péridurale sont fortes, formidables, terriblement coriaces. J’en serai incapable, vraiment. Et puis surtout, à chaque contraction, je me disais que c’était une de plus qui me rapprochait de mon bébé. Je me disais que comme toutes les autres contractions d’avant, elle allait passer, aussi douloureuse soit elle. Ce sont les phrases que j’ai entendues en sophrologie. Je trouvais ça débile sur le moment, vraiment. Mais ça m’a terriblement aidée. La force du mental. C’est à nous de décider qui gagne entre la contraction et nous. J’ai décidé que c’était à moi de gagner.

La sage-femme m’a donné un ballon et m’a conseillé de m’asseoir dessus sous la douche, de faire couler l’eau chaude sur moi. Je me suis installée nue les jambes écartées sur mon ballon, HASHTAG PLUS AUCUNE DIGNITÉ. J’ai fait couler l’eau brûlante sur moi. Je m’endormais à moitié sur la paroi. C’est vrai que les contractions paraissaient moins fortes, du coup. Le temps s’est arrêté. Combien de minutes se sont écoulées ? Je n’en sais rien. Quand je suis ressortie de la douche, il s’était passé plus d’une heure. La sage-femme est revenue. J’étais ouverte à 4. Ça y’est, c’est l’heure de la péridurale. Trois heures après mon arrivée, c’est la délivrance. J’ai trouvé ça rapide, finalement, malgré la douleur. Je sais que beaucoup de femmes n’ont pas la chance de l’avoir aussi rapidement ou même de l’avoir du tout. Alors je m’estime chanceuse. J’ai eu mal, oui, mais sans jamais tomber dans la souffrance pure et dure.

L’heure de la péridurale…

 

Dans l’imaginaire collectif, la péridurale est un énorme pieu qu’on vous plante dans le dos et qui fait cauchemarder plus d’une femme (et les hommes, n’en parlons pas…). Sérieusement, j’aime pas du tout les aiguilles mais quand tu en arrives au moment de la péridurale, tu as déjà franchi un cap et tu l’accueilles avec beaucoup d’amour et de sympathie. Très honnêtement, je n’ai rien ressenti du tout. Je savais que quinze minutes après, ces foutues contractions allaient s’arrêter. Alors franchement, j’aurais même pu me prendre un parpaing dans la gueule, ça ne m’aurait pas dérangée.

Et effectivement, une trentaine de minutes après : la plénitude totale. Je n’ai plus mal. Je vais accoucher mais je n’ai plus mal. Je ne sens plus du tout ma jambe droite. Mais je n’ai plus mal. Il est 5h du matin. Il y a encore un peu de chemin avant que ce soit le bon moment, mais maintenant, je n’ai plus du tout peur. L’équipe est tellement bienveillante, je me sens si bien. J’ai tellement aimé ces heures. Ces heures de douce attente. Attendre la rencontre, dans la plus grande sérénité. Je n’ai pas réussi à dormir mais pourtant, le temps est passé si vite. Il y avait tellement de choses dans ma tête, que toute seule, j’ai réussi à m’occuper (bon, j’ai joué au Petit Bac sur mon téléphone aussi).

Un centimètre par heure…

 

Concrètement, de 5h du matin jusqu’à l’arrivée de ma perruche, je suis un peu en apesanteur, j’ai l’impression d’être dans l’espace et d’avoir réalisé mon rêve de petite fille d’être astronaute (un rêve bien vite oublié quand j’ai eu 0,5 de moyenne en maths pour mon premier trimestre en Première S). 

La péridurale, c’est le kiff, les gars. C’est le genre de truc qu’on devrait faire plus souvent en soirée. C’est vrai, je veux dire, plutôt que d’aller boire des bières, pourquoi on se ferait pas des soirées péridurale ? Je ne sens plus du tout ma jambe droite, c’est bizarre. Je suis fatiguée, très fatiguée, mais impossible de dormir. Je reste éveillée, sans douleur, dans l’attente, quelques heures suspendues en dehors du temps, en dehors de tout. Je suis si bien dans cet entre-deux, à quelques heures de rencontrer mon petit homme que j’ai attendu si longtemps, quand tout est encore possible, quand je peux encore rêver à tous ces beaux moments qui sont à venir. Là, c’est un peu le moment où tu es devant les portes du parc d’attraction, à 8h55, et qu’elles ouvrent à 9h, quoi. Cinq minutes d’exaltation. (la meuf tient à sa métaphore filée avec les parcs d’attraction hein…).Toutes les heures, la sage-femme venait me voir pour contrôler l’ouverture du col. Un centimètre par heure. Bon, clairement, j’allais pas être dispo pour me faire un McDo le midi, il allait falloir attendre encore un peu.

Son petit cœur ralentit…

 

Bon, on commençait à se faire chier au bout d’un moment. Tout se passait bien. J’avais même le droit de boire de l’eau alors qu’on m’avait dit pendant toute la grossesse qu’on nous laissait crever de soif pendant tout l’accouchement (en vrai, c’est juste pour être à jeun si jamais une urgence nécessite une anesthésie générale). J’ai voulu abuser de la gentillesse du personnel et j’ai demandé si je pouvais manger des gâteaux. Sur un malentendu…Bon, non, privée de gâteaux

Vers 11h, je suis ouverte à dix. Youpi, mon col est prêt : GOOD JOB MEC ! Baby Perruche n’est pas encore bien descendu, il faut attendre encore deux heures tout au plus pour commencer à pousser. Mais pendant sa petite descente en canyoning le long de mon bassin, à un moment, son petit cœur a ralenti d’un coup. De 160 il est passé à 80. Tout s’est mis à sonner autour de moi et trois personnes sont arrivées en même temps dans la salle.

TOC TOC. QUI EST LÀ ? C’EST LE COUP DE STRESSSSSSS ET C’EST CADEAAAAAU !

Plus de peur que de mal, les contractions commençaient juste un peu à l’épuiser, il fallait bien surveiller les deux prochaines heures que ça ne se reproduise pas. Sinon, il faudrait le sortir rapidement. Son petit cœur commence à remonter, il se remet de ses émotions. J’ai les larmes qui montent, je ne les retiens pas. Un accouchement sans larmes, c’est pas drôle, de toute façon. Les deux prochaines heures, je suis rivée sur le monitoring à observer les battements de son petit cœur. Le temps est plus long, d’un coup.

C’est l’heure !

 

À 13 heures, c’est le moment, ça y’est : il va falloir pousser. La sage-femme et son auxiliaire m’installent. Patrick est derrière moi. Je lui ai tellement dit de bien rester derrière, bien à l’abri de la scène de crime, qu’il ose plus trop bouger, plus trop parler. Mais je sais qu’il est là, avec moi, avec nous, c’est le plus important. Est-ce que j’allais réussir à pousser de toutes mes forces devant lui, jusqu’à faire éclater mes veines sur le front ? Je m’étais posée cette question plein de fois, et en vrai, sur le moment, toutes ces questions futiles partent en fumée. T’es plus là à réfléchir à ta dignité, à ton couple ou à ton sex appeal, tu te mets juste en mode 50% animal 50% guerrière, tu t’accroches aux barrières du lit et tu donnes TOUT, tout ce que t’as pas donné en cours d’EPS pendant toute ta scolarité, TOUT. J’ai jamais réussi à courir plus de cinq minutes sans m’essouffler, j’ai jamais réussi à retenir mon souffle pour nager sous l’eau plus de vingt secondes, j’ai jamais réussi à faire des trucs de fou avec mon corps. Mais là, putain, d’un coup d’un seul, tu développes un immense talent pour le combo inspirer-bloquer-pousser comme si tu avais des décennies d’entraînement et que tu passais devant le jury de La France a un incroyable talent. Quand en plus, la sage-femme et l’auxiliaire t’encouragent de toutes leurs forces à coup de « C’EST SUPER CE QUE VOUS FAITES » « BRAVO, CONTINUEZ », ba franchement, c’est un feeling unique, tu te prends vraiment pour Johnny pendant son concert au Champ de Mars devant un million de spectateurs (J’Y ETAAAAAAIS, ET OUAIS !!!!!).

Inspirez. Bloquez. Poussez.

Inspirez. Bloquer. Poussez.

Oh une petite mèche de cheveux !

Allez-y, c’est bien, c’est très bien, poussez, poussez encore, ne relâchez pas, c’est super bien ce que vous faîtes.

On voit ces cheveux, on voit bien ces cheveux, vous voulez toucher ?

Alors poussez encore un peu, la tête arrive, vous y êtes presque !

Il est là ! Il est là !

Il est 13h59. Il est là…

Coucou petite perruche !

 

Alors voilà, à 13h59, on m’a posé une personne sur moi, quelques secondes à peine. J’ai rien capté. Patrick devait couper le cordon puis finalement il n’a pas coupé le cordon. On m’a laissé mon bébé quelques secondes puis ils sont partis avec. En quelques secondes, je n’ai rien compris. Je ne savais même pas s’il respirait, s’il était en vie, s’il allait revenir. Il se passe tout un tas de choses terribles dans ma tête en quelques secondes. Pendant quelques minutes, Patrick et moi, on se regarde. Je pleure (coucou la madeleine…). L’émotion, le stress, la pression qui retombe, la peur. Il ne se passe que quelques minutes avant qu’on revienne nous dire que tout va bien, qu’il a juste un peu de mal à se mettre en route et qu’il faut l’aider un peu. Mais ces quelques minutes ont un goût d’éternité et d’infini. Mon petit Basile, je t’ai attendu si longtemps et à peine arrivé sur Terre, on t’emmène déjà loin de moi. MONDE DE MERDE !  

Il est 14h30, j’ai faim, j’ai maintenant sur moi un crapaud avec une tête bizarre qui me regarde. Enfin, je pense pas qu’il me regarde, il voit rien, en fait. Moi, je le regarde. Patrick aussi. On se regarde. On dit rien. Je crois qu’on pense la même chose, mais qu’on n’osera jamais se le dire. Pas maintenant en tout cas. Moi, c’est simple, je ne ressens rien. Je sais que je suis maman, je suis contente, voilà, il est là, c’est fait. Mais je ne ressens rien pour lui. Je me dis qu’il est un peu chelou avec sa tête toute écrasée, ses mimiques bizarres et ses cheveux collés. Mon dieu, mais c’est fou comme il a des cheveux. 

 

J’étais tellement connectée avec lui lorsqu’il était dans mon ventre, et là, d’un coup, j’ai le ventre vide et le cœur très vide aussi. C’est très dur pour moi d’écrire ces mots aujourd’hui. Je le prends avec le sourire, mais ce que je retiens de ces premières minutes avec lui, c’est le néant, le vide, l’absence totale d’émotions. C’est un souvenir qui fait très mal aujourd’hui et qui me fait énormément culpabiliser. Voilà, il faut que je l’écrive noir sur blanc, même si c’est dur. Je n’ai pas aimé mon bébé à la première seconde. Je n’ai pas eu le coup de foudre pour lui. Je me suis retrouvée avec un étranger et sur le moment, j’avais envie de le rendre et de rentrer chez moi. J’ai eu peur, très peur. Patrick était à côté mais je me suis sentie si seule, avec tous mes sentiments inavouables. Et si l’amour ne venait jamais ? Et si je n’arrivais pas à ressentir quoique ce soit pour lui ? J’étais là, comme une conne, les jambes écartées, l’utérus éclaté, avec ce petit être sur moi qui s’agrippait à mes seins et, dans mon téléphone, des textos déjà prêts à être envoyés. Des phrases du style « Nous nageons dans le bonheur blablabla ». Je ne voulais plus rien envoyer du tout, jamais. Je nageais pas dans le bonheur, je nageais dans la confusion, dans l’inconnu, dans les morceaux de placenta.

Il m’a fallu un peu de temps pour m’attacher. Une heure, deux heures, peut-être toute une nuit, pour tomber folle amoureuse de mon bébé. Quand je suis retournée dans ma chambre, la famille de Patrick est passée nous voir peu de temps après. Ils étaient tellement euphoriques autour de notre bébé, à nous dire qu’il était beau, qu’il me ressemblait, qu’il était trop mignon, que ça m’a aidée à le voir différemment. J’ai commencé à réaliser que voilà, c’était mon bébé, NOTRE bébé. Que c’était bien lui qui était dans mon ventre et que j’aimais de toutes mes forces depuis 9 mois. Que ce n’était pas du tout un inconnu, en fait. C’était lui, ce bébé qui m’a comblée de joie pendant 9 mois. Lui pour qui j’ai préparé cette jolie chambre, acheté tous ces petits vêtements, écrit tous ces mots sur mon blog. J’ai eu besoin d’être seule avec lui pour vraiment créer un lien unique, fort et indestructible. Aujourd’hui, il n’y a aucun doute, ce petit bonhomme est ma force, mon bonheur, mon sourire. Je suis amoureuse de chaque millimètre carré de lui et j’aime chaque seconde passée avec lui, même pour le consoler en plein milieu de la nuit avec l’oreiller collé sur ma joue. Une partie de mon âme, mon cœur tout entier (bon, non, pas tout entier, il y a quand même de la place pour Patrick aussi hein). Nos chemins sont scellés à jamais mais je garderai toujours ce grand regret et cette peine d’avoir ressenti ces choses affreuses. Peut-être qu’en vous les confessant aujourd’hui, j’arriverai à me pardonner un peu. Peut-être qu’en accumulant les nuits blanches, les cernes et les sacrifices pendant les dix-huit prochaines années, j’arriverai à me pardonner un peu.

J’ai commencé cet article le lendemain de mon retour de la maternité, mais c’était trop tôt pour l’écrire, trop tôt pour fouiller dans toutes ces émotions, tous ces souvenirs. J’ai commencé cet article sur mon canapé, avec deux types à côté de moi, dont un qui ronfle. Je le termine deux semaines plus tard, toujours dans mon canapé, toujours avec deux types à côté de moi, et toujours avec l’un des deux qui ronfle. Et peut-être même le deuxième qui s’y met un peu lui aussi. J’ai encore tellement de choses à vous raconter sur les premiers jours de notre vie à trois, sur notre retour à la maison, sur tous ces instants simples et magiques, de pur bonheur mais aussi sur l’après-accouchement, auquel on ne nous prépare pas assez. Je ferai un autre article, j’imagine, un autre roman. On verra.

Les gars, merci de m’avoir lue jusqu’ici, vous êtes des warriors.

 

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